Pierre Pujo: Jean de Viguerie et Les deux patries. Contre la désertion

Il y a cinq ans, le professeur Jean de Viguerie publiait un ouvrage intitulé Les deux patries qui suscita la controverse. François-Marie Algoud lui répondit par un gros volume France notre seule patrie auquel je donnai une préface (Éditions de Chiré, 2001). Algoud et moi, nous contestions certaines thèses paradoxales de l’auteur, notamment sur Charles Maurras et les nationalistes français. Voici que Jean de Viguerie publie une nouvelle édition de son ouvrage mais sans répondre aux objections qui lui ont été faites. Celles-ci pourtant reposaient sur des faits et des textes qui montraient la fragilité des démonstrations du cher professeur, abusé par son esprit de système. Il nous faut donc reprendre notre controverse, car certaines des idées développées par Jean de Viguerie sont non seulement fausses mais dangereuses.

L’auteur est en effet un spécialiste de l’histoire religieuse de la France à laquelle il a consacré de solides ouvrages. Il a aussi publié cette année sur Louis XVI une étude saluée par l’ensemble de la critique. À première vue il bénéficie de la part du public catholique d’un préjugé favorable. Il est d’autant plus important de mettre en garde celui-ci contre les affabulations et les commentaires tendancieux que contient son ouvrage sur Les deux patries où il oppose le patriotisme traditionnel et le patriotisme révolutionnaire.

Attaques contre Maurras

L’auteur dénonce justement le patriotisme idéologique exalté par la Révolution française. La patrie devint alors l’espace rassemblant tous les hommes partageant la même idéologie issue des Lumières. Elle se réduisit alors à un ensemble d’abstractions sanguinaires. 

Il est insensé, en revanche, de faire de Maurras un adepte de ce patriotisme révolutionnaire sous prétexte qu’il a placé la France avant tout et appelé tous les Français, quelles que soient leurs idées politiques, philosophiques et religieuses, à assurer les conditions de sa survie. La thèse de Jean de Viguerie conduit à une absurdité. Il déclare ainsi à notre confrère Rivarol, pour lequel Jérôme Bourbon l’a interviouvé en août dernier : « Le patriotisme révolutionnaire a tué la France. » Maurras, ayant selon lui adhéré au patriotisme révolutionnaire, aurait donc participé à l’assassinat de la France ?

L’intérêt national dont Maurras a fait son critère pour juger les hommes, les politiques et les institutions, ne vient pas de l’héritage idéologique de la Révolution. Il est fondé sur l’idée d’une patrie qui existe indépendamment de l’idée que chacun de nous s’en fait. Dans son livre Votre Bel Aujourd’hui Maurras donne cette définition : « Une patrie, ce sont des champs, des murs, des tours et des maisons ; ce sont des autels et des tombeaux ; ce sont des hommes vivants, père, mère et frères, des enfants qui jouent aux jardins, des paysans qui font du blé, des jardiniers qui font des roses, des marchands, des artisans, des ouvriers, des soldats. Il n’y a rien au monde de plus concret… »

Viguerie reconnaît cette vision concrète de la patrie chez Maurras, mais s’échine quand même durant des pages à vouloir démontrer le ralliement de celui-ci au patriotisme révolutionnaire. Pour Viguerie les nationalistes intégraux « combattent la démocratie et les droits de l’homme mais ils ne voient pas bien l’idéologie qui est derrière, ils ne visent ni l’utopie, ni la réduction de l’homme, ni la négation de l’être que cette idéologie contient, ils ne dénoncent pas l’attachement au néant qu’elle commande. » Il faut pas mal de prétention à Jean de Viguerie pour soutenir que Maurras n’aurait pas “bien vu” les conséquences et les méfaits du système de pensée issu de la Révolution.

Mais voilà l’accusation majeure : Maurras avait adhéré au positivisme et au matérialisme à l’honneur au XIXe siècle. Mais le chef de l’Action française n’a-t-il pas maintes fois expliqué que la science politique ne s’opposait pas à la tradition catholique, mais venait au contraire la conforter.

…Contre les catholiques aussi

Il est paradoxal qu’après avoir reproché à Maurras d’avoir une doctrine trop laïque, Viguerie s’en prenne aux catholiques du début du XXe siècle coupables d’avoir exalté un patriotisme qui, selon lui, correspondait aux vœux des dirigeants républicains d’alors (lesquels étaient au contraire, pour une bonne part d’entre eux internationalistes et pacifistes). Plût au Ciel qu’aujourd’hui le patriotisme soit encore enseigné dans les catéchismes !

Jean de Viguerie confond la patrie réelle et l’idée que les hommes s’en font. Que dans le monde des idées pures, la conception traditionnelle de la patrie et la conception révolutionnaire soient incompatibles, nous en convenons volontiers. Mais dans les faits, une multitude d’hommes ont mélangé les deux notions, cumulant l’attachement à la patrie charnelle et les “grues métaphysiques” léguées par la Révolution.

C’est pourquoi il est insensé de tourner en dérision comme le fait Viguerie, la « religion de la Patrie » et de condamner “l’Union sacrée” réalisée en 1914. Contrairement à ce qu’il soutient, la guerre déclenchée par l’orgueil allemand n’était pas une guerre révolutionnaire, à la différence de la guerre de 1792. La France était envahie. Il fallait la défendre sous peine de subir la loi humiliante du vainqueur. Les Français ont fait taire leurs divergences idéologiques et politiques pour courir aux frontières. Ils n’ont pas été « trompés », n’en déplaise à M. de Viguerie;

La patrie, la patrie charnelle, était réellement en danger. Et qu’importe que les gouvernements républicains aient alors parlé de « la guerre du Droit » tandis que le clergé exaltait la France chrétienne menacée. Les uns et les autres motivaient les combattants à leur façon. Reprochera-t-on à Maurice Pujo mobilisé en 1915 d’avoir un jour entonné la Marseillaise dans un train de soldats – sensiblement plus jeunes que lui – qui montaient au front et “n’avaient pas le moral” ? Jean de Viguerie pousse un peu trop loin l’indécence en se moquant des formules parfois excessives par lesquelles les Français exprimaient alors leur patriotisme. Il ne voit que l’écume des choses et se laisse abuser par les mots au lieu de considérer la réalité du conflit.

Les propos de Viguerie confinent même au blasphème. Ainsi, dans son interviouve à Rivarol, déclare-t-il à propos de l’Alsace et de la Lorraine : « On peut se demander s’il fallait faire tuer un million trois cent cinquante trois mille hommes pour les récupérer ». Il soutient que « les Alsaciens-Lorrains n’ont pas tellement souffert sous l’administration allemande, les catholiques notamment ». Ils ont jadis fait partie du Saint-Empire et pouvaient demeurer au sein du nouvel Empire allemand… Viguerie oublie que redevenir français c’était quelque chose de capital pour nos compatriotes arrachés de force à la mère-patrie en 1871 !

Viguerie observe que le patriotisme révolutionnaire conduit de nos jours à dissoudre la France dans le mondialisme. Nous en convenons volontiers. L’idéologie des Droits de l’Homme et de la Démocratie ne reconnaît pas les frontières. Mais ce que refuse de voir l’auteur c’est que l’Action française, en dégageant le patriotisme de l’idéologie, lui confère des assises plus solides et plus de force dans ses manifestations.
Mise en garde

À vrai dire, Jean de Viguerie est obsédé par l’idée que la France est « morte » et s’essouffle à chercher à le démontrer. Maurras, au contraire, est un professeur d’espérance. Tout au long de sa vie, il n’a pas cessé d’enseigner à ses contemporains les moyens de servir la France car, malgré les épreuves subies, il croyait comme Jacques Bainville (pourtant pessimiste de nature), que « pour les renaissances il est toujours de la foi ».

L’autre divergence fondamentale entre Viguerie et Maurras, c’est que le premier ne croit plus à la nécessité de l’action politique tandis que le second démontre la place essentielle du politique dans les sociétés humaines. Dans l’avant-propos de son livre, Viguerie témoigne d’une effarante naïveté : « On ne peut, nous avait-on dit, exister sans le politique. Mais n’existons-nous pas ? En tout cas cette génération se prépare à se passer de lui ».

Pour l’auteur, il faudrait défendre notre héritage de civilisation, se protéger à tout moment « contre l’avilissement des mœurs et la désagrégation générale de la société » […] « Prier, étudier, servir nos proches, secourir les malheureux, cultiver l’amitié… » Noble idéal. Mais comment Viguerie pourra-t-il le pratiquer si la cité n’est pas défendue, si elle est livrée aux démagogues, si elle est asservie à un pouvoir étranger, comme elle en est menacée actuellement avec le projet de constitution européenne ?

Viguerie prône la désertion devant le combat politique essentiel. Nous ne saurions trop mettre en garde les catholiques, auxquels il s’adresse et qui comptèrent longtemps parmi les meilleurs défenseurs de la Patrie. Devant l’urgence, il faut rassembler tous les patriotes fussent-ils imprégnés d’une idéologie démocratique défraîchie pour sauvegarder une France aujourd’hui en grand péril et dont la survie importe plus que toutes les idéologies.

Pierre Pujo

L’Action Française 2000 – 7 octobre 2004

Od Redakcji: Nasz francuski korespondent p. Antoine Ratnik chciał tym tekstem sprawdzić zdolność polskich Czytelników do lektury w języku francuskim – języku arystokracji. Jeśli tekst będzie miał dużo wejść, pojawią się komentarze, to będziemy podobne eksperymenty kontynuować. [aw]

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0 thoughts on “Pierre Pujo: Jean de Viguerie et Les deux patries. Contre la désertion”

  1. Prawdę mówiąc o ile książkę Vigueriego uważam za znakomitą (choć fragment z którego wynika niechęć do prowadzenia wojny obronnej przez Francję w l. 1914-18 uważam za dziwaczny). to praca Algouda jest stosunkowo mizerna. To znaczy, jest gorąco patriotyczna, ale nie dorasta intelektualnie do pracy Vigueriego.

  2. Po wstępie i pierwszym rozdziale spojrzałem na resztę – za wiele francuszczyzny i już głowa mnie boli. Zwłaszcza, że tak dobry to z niego nie jestem. Generalnie to, co zrozumiałem, to się z tym zgadzam.

  3. @AW Dziekuje.Na poczatek eksperymentu wybralem tekst, z ktorym sie calkowicie nie zgadzam. Tekst ciekawy: zderzenie dwoch roznych wizji politycznych na prawicy.

  4. Niestety pochodzę z plebsu, więc francuszczyzny nie opanuję nigdy – krew nie pozwoli. Mówię biegle tylko po angielsku, czyli języku, którego każdy głupek się nauczy. Chętnie bym się sprawdził z rosyjskim i niemieckim.

  5. @AW Dla JDV po 1789 roku jest juz tylko Rewolucja i uwaza on, ze wszelka proba dzialania na rzecz Francji jako struktury oficjalnej jest wspieraniem Rewolucji.Stad rowniez jego pozycja, zeby nie bronic état-nation aktualnie, nie probowac reformy szkolnictwa panstwowego etc.

  6. @AW cd. I WS byla przez III R prowadzona w ten sposob, zeby doprowadzic do zaglady mlodziezy katolickiej, z czego sie oficjalnie cieszono, nawet w gabinecie Poincaré.Kosztowala ona Francuzow 1.500.000 poleglych w walkach, byla przez Clemenceau sztucznie przedluzana, zeby zniszczyc Austro-Wegry, w koncu podpisano po jej zakonczeniu traktat, ktory nikogo nie usatysfakcjonowal, nawet Polakow tak do konca tez nie.

  7. @Norbert Lewandowski: Trochę Pan z tym angielskim przesadził. Proszę pamietać, że niejaki Joseph Conrad, znany też w pewnym kraju nad Wisłą jako Józef Konrad Korzeniowski, stwierdził, że albo pisałby po angielsku – albo wcale.

  8. @ Norbert Lewandowski: Ja jestem w drugim pokoleniu z chlopstwa a francuski opanowalem, wlasciwie musialem opanowac, bo sprowadzilem sie na helwecka wies polozona nad Jeziorem Genewskim. Natomiast niemiecki stal sie dla mnie trudno zrozumialy w miedzyczasie 😉 Coz, za malo praktyki… @ Redakcja: Teksty w roznych jezykach to dobry pomysl, wazna jest przede wszystkim tresc, zawsze sie znajdzie ktos kto zrozumie, a dla innych mze byc to bodziec to cwiczen lub nauki od zera.

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